Vincent Desportes, général de cavalerie, penseur militaire et ancien directeur de l'École de guerre, était, ce mardi, invité par « C à vous ». On ne devrait pas inviter de généraux sur le service public. C'est trop dangereux. Depuis qu'ils ont tous leurs points de retraite, les officiers généraux en deuxième section n'hésitent pas à monter au filet. On peut, parfois, regretter que ce salutaire exercice arrive un peu tard, après une quarantaine d'années de renoncements divers. On peut se dire qu'au bout du compte, on a tous une baraque à payer et que le courage physique excuse parfois la reptation dans les ministères.

Cela n'a jamais été le cas du général Desportes, qui a, au contraire, toujours payé le prix fort pour sa sincérité et sa lucidité, et que seules ses compétences ont sauvé du pilori. Invité, donc, dans une émission peu suspecte de militarisme agressif, face à Patrick Cohen et assis à côté d'Adrien Quatennens, député de La France insoumise, Vincent Desportes a résumé le rôle de l'OTAN. Cela dure moins de trois minutes au montage, c'est imparable et cela provoque, sur le plateau, un profond malaise. Il a rappelé que l'OTAN aurait dû être dissoute à la chute de l'URSS, que les Américains avaient incité les pays d' à abandonner leur pour se placer sous la protection de Washington, que tous les alliés des États-Unis depuis Tchang Kaï-chek avaient été abandonnés en rase campagne et qu'il était urgent de reconquérir une véritable souveraineté. Deux minutes vingt, très exactement. Sueurs froides et mines défaites sur le plateau de l'émission. C'est comme si un coin du voile d'Isis avait été soulevé. Tout le monde connaît les faits qui sont exposés par le général Desportes. Personne ne les met bout à bout, et surtout pas à la télévision. Et encore moins dans le contexte d'une floue, à nos portes, où l'on découvre que les néo-nazis du bataillon Azov sont des combattants de la liberté, que Vladimir Poutine est le diable, que les Russes sont restés intrinsèquement méchants et que tout ce que nous pourrions faire pour aider le régime ukrainien va dans le sens de la paix perpétuelle.

Pour vous donner une idée, même Patrick Cohen s'est tu. Même Adrien Quatennens n'avait rien à dire. On devine qu'il devait approuver in petto. Même la présentatrice n'a pas réussi à faire taire cette exposition sans fard d'une vérité que nous ne voulons pas comprendre : les grands sentiments, en politique étrangère, font partie de la communication stratégique, la fameuse « stratcom ». Ils sont du domaine du discours, du roman. Ce roman national que nous déconstruisons, nous en avons fait un roman international, manichéen, stupide, simpliste : le bien contre le mal. La liberté contre l'oppression. Nous avons fini par croire à la soupe que les médias américains servent aux plus crédules de leurs citoyens. Tout cela est notre faute. Merci au général Desportes de nous l'avoir rappelé.

 

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