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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 12:32

 

 

 

 

[8,73] LXXIII. C'EST A TORT QU'ON ACCUSE LES PHILOSOPHES
DE PENSEES SEDITIEUSES.

C'est une grande erreur, il me semble, de considérer les vrais
philosophes comme des mécontents et des factieux qui méprisent
les magistrats, les rois et ceux qui ont part à l'administration
de l'Etat. Il n'y a au contraire personne de plus
soumis ni de plus reconnaissant, et cela se conçoit : car
s'il est des hommes à qui les gouvernants soient utiles, ce
sont ceux à qui ils assurent le bien-être du repos. Il est donc
tout naturel que ceux à qui la sécurité publique permet de
s'occuper de vivre honnêtement, honorent à l'égal d'un père
l'auteur d'un pareil bienfait ; et il y a cent fois plus à compter
sur eux que sur ces gens inquiets et jetés dans les affaires, qui,
s'ils doivent beaucoup aux princes, croient que ceux-ci leur
doivent davantage encore; gens d'ailleurs dont on ne petit
jamais, quelque étendue qu'on donne à sa libéralité, rassasier
la cupidité, qui s'accroît à mesure qu'on les gorge. Penser à
recevoir, c'est déjà oublier qu'on a reçu ; et le plus grand tort
de la cupidité; c'est d'être ingrate. Ajoutez à cela que, de tous
les hommes qui ont des fonctions clans l'Etat, il n'y en a pas
un qui ne regarde plutôt ceux qui l'ont dépassé que ceux qu'il
a laissés en arrière. Le plaisir qu'ils ressentent d'en voir beaucoup
après eux, ne balance pas la peine qu'ils ont de voir quelqu'un
avant eux. C'est le vice de toute ambition, de ne pas regarder
derrière elle. Du reste l'ambition n'est pas la, seule passion
qui soit insatiable; toutes sont ainsi faites, parce que
toutes ne finissent que pour recommencer.

L'homme intègre et pur, au contraire, qui a renoncé au
sénat, au Forum et à toute espèce de fonctions publiques, pour
se retrancher dans de plus nobles occupations, ne peut que
chérir ceux par les soins desquels il lui est donné de satisfaire
ses paisibles goûts; seul, il leur rend un hommage gratuit, et
leur a de grandes obligations sans qu'ils s'en doutent. Tout ce
qu'il a de respect et d'estime pour les instituteurs dont les
soins bienfaisants lui ont frayé la route. de la vertu, il l'étend à
ceux sous la tutelle desquels il lui est permis de cultiver la
philosophie. - Mais, me dira-t-on, un roi en protége bien
d'autres. - J'en conviens; mais de même qu'entre gens qui
sont arrivés au port, celui-là croit devoir le plus de reconnaissance
à Neptune, qui a transporté le plus d'objets précieux;
et qu'un voeu plus libéral est offert et acquitté par le
marchand que par le passager; et que, parmi les marchands
mêmes, la gratitude a plus d'effusion chez celui qui rapportait
des parfums, de la pourpre, et des produits valant leur pesant
d'or, que chez celui dont le chargement se composait de marchandises
de rebut, et bonnes tout au plus à servir de lest :
de mème le bienfait de la paix, quoique commun à tout le
monde, est bien plus profondément senti par ceux qui en
tirent le meilleur parti. Il y a beaucoup de gens en place pour
qui la paix est plus laborieuse que la guerre. Croyez-vous que
ces gens apprécient au même degré la paix, eux qui l'emploient
dans l'ivresse, dans la débauche ou dans des désordres
dont il faudrait rompre le cours, même par la guerre ?

Ne supposez pas non plus le sage assez injuste pour se croire
affranchi du tribut de reconnaissance que mérite un bien
commun à tous. Je dois beaucoup au soleil et à la lune, quoiqu'ils
ne se lèvent pas pour moi seul ; je suis particulièrement
obligé à l'année, et à Dieu qui en règle le cours, quoique ce ne
soit pas en mon honneur qu'elle suit sa marche si régulière.
La folle avarice des mortels, en distinguant les possessions et les
propriétés, a fait que personne ne regarde comme à soi ce qui
est à tout le monde. Le sage, au contraire, ne trouve rien qui
lui appartienne plus directement que ce qu'il partage avec le
genre humain. Ces biens, en effet, ne seraient pas communs,
si chacun n'en avait sa part : c'est une propriété que ce dont
on jouit en commun, même dans la plus petite proportion.

Ajoutez que les biens importants et réels ne souffrent point
ces divisions qui réduisent à peu de chose la part de chacun :
quiconque les possède jouit de leur totalité. On ne tire des
mains d'un congiaire que la part assignée à chaque tête : un
repas, une distribution de viande, comme en général tout ce
qui se prend à la main, se subdivise en portions ; mais les
biens individuels, tels que la paix et la liberté, appartiennent
aussi complétement à tous qu'à chacun en particulier. Le sage
ne perd donc pas de vue la cause qui, en lui procurant la
jouissance et les résultats de ces biens, l'affranchit de la nécessité
de prendre les armes, de faire faction, de garder les murailles
et de payer tribut sur tribut; aussi en remercie-t-il tous
les jours celui qui gouverne. Ce que la philosophie apprend
par-dessus tout, c'est à apprécier un bienfait à sa valeur, et à
le payer : le reconnaître, c'est souvent le payer. Il se plaira
donc à convenir qu'il doit infiniment à celui dont l'administration
et la prévoyance lui assurent un repos fécond, la jouissance
libre de son temps, et un calme que ne troublent point
les occupations publiques.
0 Mélibée ! c'est un dieu qui nous a fait ce loisir; car ce sera toujours
un dieu pour moi
.
Si l'on se croit obligé à la reconnaissance pour un repos dont
les plus grands bienfaits sont. ceux-ci :
Si tu vois errer mes génisses; si je puis jouer à mon aise sur mon
rustique chalumeau, c'est à lui que je le dois
;
combien plus devons-nous estimer ce repos, qui est le partage
des dieux, et qui fait les dieux !

Ecoutez, mon cher Lucilius, ma voix, qui vous appelle au
ciel par le plus court chemin. Sextius avait coutume de dire :
que Jupiter n'est pas plus puissant que l'homme de bien.
Sans doute, Jupiter a plus de choses à donner aux hommes ;
mais, à mérite égal, on n'est pas meilleur pour être plus riche;
pas plus qu'entre deux marins qui entendent également bien
la navigation, vous ne direz que celui qui a le plus beau vaisseau
soit le plus habile. Qu'a Jupiter qui le mette au-dessus
de l'hommo de bien ? C'est d'être bon plus longtemps. Le sage
ne s'en estime pas moins, parce que ses vertus sont resserrées
dans un espace moins étendu. De même qu'entre deux sages,
celui qui est mort plus âgé n'est pas plus henreux que celui
dont la vertu fut limitée à un plus petit nombre d'années; de
même Dieu ne surpasse pas le sage cri félicité, quoiqu'il le sur-
passe en âge. Ce n'est pas la durée de la vertu qui en fait la
grandeur. Jupiter possède tous les biens, mais pour en abandonner
la jouissance aux autres : le seul usage qu'il en fasse,
c'est de les faire servir au bonheur de tous. Le sage voit avec
tout autant de tranquillité et de dédain que Jupiter les richesses
concentrées dans les mains des autres ; il a même cet
avantage sur Jupiter, que ce dieu ne peut pas en user ; tandis
que lui, sage, ne le veut pas. Suivons donc Sextins qui, en
nous montrant la bonne route, nous crie :C'est par là qu'on
arrive au ciel : c'est la frugalité, c'est la tempérance, c'est le
courage qui y conduisent
. Les dieux ne sont pas dédaigneux,
non plus que jaloux ; ils admettent ceux qui veulent monter
avec eux, et leur tendent volontiers la main. Vous paraissez
surpris que l'homme puisse pénétrer chez les dieux ? Mais
Dieu lui-même descend chez les hommes, et., bien plus, dans
les hommes. Il n'y a point d'âme vertueuse là où Dieu n'est
pas. Des semences divines sont répandues dans le corps humain :
à l'aide d'une bonne culture, elles se développent et
grandissent de manière à rappeler leur origine ; mais, faute
de soin, elles meurent comme dans un terrain stérile et marécageux,
et ne donnent pour toute récolte que de mauvaises herbes.


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