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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 14:22

CHAPITRE III
 

Les Guillems de Montpellier

 
Guy, le fondateur de la dynastie des Guillems de Montpellier, fut une gentilhomme d’un rang distingué ; il descendait du fameux duc d’Aquitaine, le moine de Saint-Guillem-le-Désert. L’évêque de Maguelone, Ricuin, lui inféoda, en 990, une partie considérable de la ville de Montpellier, sous la réserve de l’hommage et du serment de fidélité. La ville était formée de deux bourgs. Montpellier et Montpeilleret, que Ricuin avait reçus des filles d’Eustorgie, fille du comte de Susbstantion et mariée au comte de Lodève. Guy ayant eut pour successeurs immédiats, dans la seigneurie du premier de ces bourgs, Guillem II, fils de Bernard Guillem ; Bernard Guillem d’Adalaïs, qui prit le nom de Guillem III, en succédant à son fils mort sans postérité ; Guillem IV de Béliarde, en 1058 Guillem V d’Ermangarde, en 1098.

Seigneurs d’une ville qui devenait tous les jours plus importante par son commerce et par le nombre de ses habitants, les Guillem travaillèrent à agrandir leur domaine en vue d’augmenter leur puissance. Le nombre des vassaux faisait alors la gloire et la force d’un suzerain, et l’usage était de récompenser les gentilshommes que les seigneurs voulaient s’attacher, en leur accordant des parties de leurs terres, moyennant l’hommage et le service militaire. Pour avoir des vassaux, les Guillems firent l’acquisition de presque tous les châteaux qui se trouvaient dans le voisinage de Montpellier, et ils les remirent aussitôt aux seigneurs qui les leur avaient vendus ou à d’autres, à titre de fiefs, et à charge de foi et hommage et de services militaires. Aussi bien M. d’Aigrefeuille constate dans son Histoire de Montpellier, page 11, que Guillem d’Ermengarde reçut, en 1111, des hommages pour les lieux de Cournonsée, de Montferrier et de Montarnaud, et qu’il acheta, e, 1112 et 1113, les châteaux de Frontignan, de Montbazin et de Popian. Le Mémorial des Nobles fait voir qu’à la date de 1114 ce dernier reçut des reconnaissances pour des parties du château du Pouget :


- 1er de la part de Géronde,

- 2ème de la part d’Adalaïs, fille d’Hugun Peyrun,

- 3ème de la part d’Assalyd ou Assalty, fils de Vierne. L’ensemble des terres acquises forma la baronnie de Montpellier, qui dépendit uniquement du seigneur de cette ville ; l’évêque de Maguelone n’avait des droits sur lui que par rapport à la partie de la ville qui lui était inféodée.

 




I
Guillem d’Ermengarde



Quant au château d’Aumelas, M. d’Aigrefeuille prétend qu’il fut acquis par Guillem V, en 1118 ; mais cette date n’est pas exacte. Il résulte, en effet, du testament que fit ce seigneur, en 1114, au moment d’aller combattre les maures d’Espagne, que ce château était déjà en son pouvoir, puisqu’il régla que, au cas où ses fils ne lui auraient pas survécu, Aumelas devait échoir à Bernard d’Anduze, avec tout l’alleu du Mont-du-Chameau, le château du Pouget et les fiefs qu’il tenait des vicomtes de Béziers et Narbonne ; tandis que tout ce qu’il possédait en commun avec l’abbaye d’Aniane dans le pays devrait revenir au moines (H. G. L. T., IV, p. 361). Une autre preuve : Guillem était déjà en expédition et se trouvait dans l’île de Majorque, en 1114, quand ses officiers reçurent le serment de fidélité d’Assalty, le fils de Vierne, dans l’église de Saint-Sauveur ou chapelle du château d’Aumelas. Or l’hommage se rendait toujours au chef-lieu de la seigneurie. M. d’Aigrefeuille s’est basé sur les hommages qui furent faits en 1118, pour fixer l’époque de l’acquisition d’Aumelas : Guillem V reçut en effet, en cette année, les serments de fidélité d’Adhémar, fils de Chiénel, de Bertrand fils d’Aliarde, d’Hugues et d’Araufrès, qui possèdaient des fiefs à Aumelas. Le Mémorial des Nobles contient, avec ces quatre serments, un acte par lequel Bernard Guiraud engagea au seigneur Guillem le fief « qu’il tenait de lui à Aumelas, à raison de la somme de 57 sols melg., qu’il lui emprunta (d’Aigref., p. 15).

Guillem d’Ermengarde fit son dernier testament, en 1121. Son fils aîné fut désigné pour lui succéder dans la seigneurie de Montpellier : ce fut Guillem VI d’Ermessinde. Aumelas fut réservé à Guillem, fils puiné de Guillem V.


 


II

Guillem d’Aumelas


L’apanage de Guillem, second fils de Guillem d’Ermengarde, fut composé des lieux et châteaux d’Aumelas, de Montarnaud, du Pouget, de Saint-Pons-de-Mauchiens et de Mazers. A ces biens vinrent s’ajouter ceux qui avaient été donnés à Bernard, troisième fils de Guillem V, et qui consistaient en rentes, revenus et droits quelconques provenant des lieux de Mireval, Montbazin, Cournonsec, Popian et certaines terres qui se trouvaient dans ces mêmes lieux : Bernard qui mourut sans postérité, les laissa à son frère d’Aumelas. D’un autre côté, Tiburge, fille et héritière de Raimbaud II, mort en Terre-Sainte, lui apporta le comté d’Orange, en lui donnant sa main. Guillem devient un riche et puissant seigneur ; il se fit appeler Guillem d’Aumelas (H. G. L. T., IV, p. 57).

L’assignat de la succession de Guillem d’Ermengarde en faveur de son fils puiné donna lieu à ce dernier d’exiger deux serments de fidélité, en 1127, pour le château du Pouget, l’un de la part d’Adalaïs, fille d’Hugun Peyrun, et de l’autre de la part de Guillaume Assalty, fils de Vierne, et celui de Pierre Sicard, fils d’Adalaïs, pour le quart ou trois mois de jouissance du château du Pouget (d’Aigref., p. 15).

Le seigneur de Montpellier aurait-il disputé à son frère le droit de vasselage sur les tenanciers du château du Pouget ? Il est plus que probable qu’il s’agissait d’autres portions du château acquises depuis 1121.

Un acte d’avril 1132, concernant le don fait à Guillem de Montpellier du quart du Pouget et sa reprise en fief par Adalaïs, montre que Guillem d’Aumelas n’avait pas hérité du château en entier.

Le sieur d’Aumelas avait pris, en 1122, sous sa protection, en qualité de baron, tout l’honneur de Carcarès compris entre Saint –Bauzille et les limites d’Aumelas, et depuis Garcias ; jusqu’à l’Hérault, moyennant l’albergue de douze chevaliers, ou douze sols melg. A son choix. Cette transaction, qui fut faite entre Guillem d’Aumelas et Pierre, abbé d’Aniane, fut approuvée par la mère de Guillem et du seigneur de Montpellier (H. G. L. T., IV, p. 383).

Les deux frères firent le voyage de la Terre-Sainte, en 1129. Ils étaient de retour en janvier 1130, suivant la manière de compter d’aujourd’hui, car alors encore l’année commençait à Pâques. Guillem d’Aumelas assista à son arrivée, au contrat de mariage entre son vassal Arnaud d’Aumelas et Sibylle, fille de Pierre Obilion et parente de l’évêque de Lodève, Pierre de Raynon (Raymond) ; Guillaume Raynon du Caylar et la plus grande partie des chevaliers de Mauguio (Melgueil) furent présent (H. G. L. T., IV, p. 43). Quelques mois après, Guillem acheta à Elzéard de Castries et à Agnès, sa femme, au prix de 700 sols melg., la plus grande partie de Vendémian et des terre au Pouget, mais 1130. Il concourut à la fondation de l’abbaye de Valmagne, en 1138, avec le vicomte de Béziers, Trencavel, et plusieurs autres seigneurs, en se dessaisissant du terrain de Tortoreire, sis dans la grande vallée, Vallis Magna (H. G. L. T., IV, p. 427).

Guillem d’Ermessinde, pendant ce temps agrandissait son domaine. Il accepta, en 1138, des portions des châteaux de Gignac, de Montpeyroux et de Pignan, qu’il bailla à fief (d’Aigref., p. 45). Il acquit en outre en 1140, au prix de 10 000 sols melg. Le château de Paulhan, qui était venu des Trencavel aux comtes de Mauguio (Melgueil), et se trouvait actuellement possédé par Béatrix, héritière de Bernard, son père, et par le comte de Provence, Raymond Béranger, son premier mari. Il en conserva le domaine utile. Mais étant à court d’argent, en 1142, pendant la révolte des habitants de Montpellier, il emprunta à Aymery, seigneur de Clermont, la somme de 8 500 sols melg. Et 30 marcs d’argent (à 46 sols le marc), et lui engagea sa terre de Paulhan (Mém. Des Nob. Doc. DXL. P. 722).

Dans les murs de Paulhan il y avait une église dépendante du château seigneurial. Son vocable, Sainte-Croix, nous fait penser au culte particulier de Guillem VI pour la vraie Croix. Il en avait rapporté un fragment considérable de la Palestine, et avait bâti en son honneur une église sur la Canourgue à Montpellier. Quand il dut se retirer à Grand-Selve, il se munit d’une partie de ce trésor pour en doter, et l’abbaye, et deux monastères qu’il fonda, en 1150, en Espagne, dans le lieu de Vallaure, auxquels il donna le nom de Santas Creuz et qu’il gouverna avec le titre d’abbé, bien qu’il ne fut pas entré dans la cléricature. L’église actuelle de Paulhan tire son nom de l’ancienne chapelle intra muros, qui pourrait bien avoir tenu de Guillem VI, seigneur de Paulhan.

Avant d’aller ensevelir sa gloire à Grand-Selve, le seigneur de Montpellier distribua ses biens à ses enfants. En vertu du testament paternel du 3 des ides de décembre 1146, le fils aîné de Guillem VI eut la seigneurie de Montpellier ; Guy son cinquième fils, hérita de Paulhan et du Pouget. Guillem sortit du monastère, en 1161, pour mettre la paix entre le seigneur de Montpellier et celui de Paulhan que des questions d’intérêts divisaient. Peu, après, ce grand homme, honneur de sa race et la gloire de Montpellier, mourut dans le cloître, avec la réputation d’un si parfait religieux que son nom figura au catalogue des saints de l’ordre de Citeaux. (H. G. L. T., IV, passim ; - voir la remarquab le Vie de B. Guillem VI par l’abbé Maurel).

Guy Guerrejat ou le Batailleur fut seigneur de Paulhan et du Pouget

, de 1146 à 1177. Il se fit estimer par sa valeur militaire, qui data de ses plus jeunes ans, et par la sagesse qu’il montra dans les affaires auxquelles il fut mêlé. En effet , encore enfant, il avait suivi son père dans ses expéditions contre les Sarrasins, et plus tard il fut souvent pris pour arbitre par les rois et les seigneurs. C’est lui qui organisa la ligue célèbre, dont parle l’Histoire du Languedoc, contre le comte de Toulouse, qui élevait des prétentions sur la vicomté de Narbonne, et voulait imposer sa juridiction à tous les lieux de la province. Guy fit jurer aux seigneurs de Montpellier, Béziers et de Narbonne, de prendre les armes et de ne les déposer qu’après le succès. Unis par les liens du sang, ils allaient combattre pour une cause commune. Le seigneur de Paulhan aurait mené cette affaire à bonne fin, si la mort n’était venue, non pas de la surprendre, mais l’arrêter au milieu des préparatifs de la guerre. Guy donna à Paulhan à son neveu Burgondion et voulut être enseveli dans l’abbaye de Valmagne, qu’il substitua à Burgondion à défaut d’héritiers, et à laquelle il confirma la donation des moulins de Paulhan qu’il lui avait été faite. Ces moulins avaient été construits, vers l’an 1080, par la comtesse Etiennette de Bigorre. Guy les avait rachetés des seigneurs de Clermont (H. G. L. T., IV, passim).

Guillem d’Aumelas maria, en 1150, sa fille aînée, Tiburge, à Aymard de Murviel (Béziers),

en stipulant que les biens qu’il donnait en dot à celle-ci passeraient à ses enfants, et qu’a leur défaut ils lui retourneraient. Or, il accordait à sa fille tout ce qu’il possédait dans le Narbonnais et dans le lieu de Cournonsec. Il donna sa seconde fille à un seigneur provençal appelé de Mornas. En 1155, le sieur d’Aumelas fit son testament.

 

Raimbaud, son fils qui devait prendre le nom d’Orange, à cause de sa mère Tiburge d’Orange, héritait du château d’Aumelas avec ses appartenances et ses dépendances, villes, masages, baillies, etc. et de plus, des châteaux de Montarnaud, de Popian, du Pouget etc. Il était placé par son père sous la protection de Guillem de Montpellier, fils de Sibylle, lequel était chargé de le faire chevalier. A part sa dot, Tiburge, sœur de Rimbaud et femme d’Aymard, devait recevoir le château de Montbazin, dans le diocèse de Maguelone, et ses fils Sicard et Raymond Aton lui étaient substitués. La seconde fille de Guillem, femme du sieur de Mornas, obtiendrait le château de Murviel, près Montpellier, et toucherait mille sols melg., de son frère, le jour ou il aurait été reçu chevalier. Guillem laissait à sa mère, Ermessinde, la jouissance d’un village. Pierre de Montpeyroux, qui s’était chargé de payer les dettes du sieur d’Aumelas, avait droit à l’usufruit des biens de la succession pendant 13 ans. Enfin, Guillem choisissait sa sépulture dans le monastère d’Aniane, auquel il confirmait la donation du domaine de Flex, faite par son frère Bernard. Guillem mourut, au mois de mai 1155 (H. G. L. T., IV, p. 164).


 




III

Raimbaud d’Orange

 

Raimbaud d’Orange n’était que le fils puîné de Guillem d’Aumelas. Son frère aîné s’était établit dans le comté d’Orange qui lui était échu. Une partie du comté était cependant revenue à Raimbaud, après la mort de Tiburge, leur mère, en 1150. Malgré l’étendue de son domaine, le seigneur d’Aumelas vit ses affaires fort dérangées en 1168 ; aussi fut-il obliger d’engager ses biens, une première fois à Guillem de Montpellier, son cousin pour une somme de 4000 sols melg., qu’il lui emprunta. Trois ans après, son beau-frère, Aymard de Murviel, lui prêta la somme de 10 300 sols melg. ; ainsi ses biens furent affectés d’une nouvelle hypothèque. Le seigneur d’Aumelas mourut, vers 1173, sans enfants à Courteson, dans la principauté d’Orange, après avoir partagé ses possessions à ses deux sœurs. La portion d’Orange, qui lui appartenait fut donnée à Tiburge, veuve de Mornas et épouse en seconde noce de Bernard de Baux, dont les descendants trouvèrent le moyen de réunir à leur domaine toute la principauté et se qualifièrent de princes d’Orange par la concession des empereurs d’Allemagne, rois de Provence. Tiburge, femme d’Aymard de Murviel, eut tous les biens de Raimbaud qui étaient dans le Languedoc, y comprise la seigneurie d’Aumelas. Raimbaud figura avec honneur parmi les poètes provencaux : Jean de Nostradamus a cité « le seigneur de Courteson, bon chevalier, vaillant aux armes et bien estimé dans la poèsie provençale (H. G. L. T., IV, p. 165). »





IV

Tiburge de Murviel


Tiburge de Murviel jouit peu de temps de la seigneurie d’Aumelas ; elle eut pour successeur son fils Raymond-Aton, comme il avait été réglé par Raimbaud.


 


V

Raymond-Aton


Raymond-Aton, mari de Foy, fille de Pierre d’Albaron, était en possession d’Aumelas en 1187. Il donna, cette année, à titre d’alleu, à Guillem VIII de Montpellier et à ses successeurs Aumelas et ses dépendances, le Pouget, Montarnaud, Cournonsec, Montbazin, avec tout ce qu’il avait à Popian,

à Saint-Pons-de-Mauchiens, à Pignan, à Mireval, à Villeneuve, à Saint Pargoire, à Adissan, à Plaissan, à Abeilhan, à Vendémian, à Saint-Amans-de-Teulet, à Sainte-Bauzille, à Carcarés, à Saint-Etienne-de-Prunet, à Saint-Georges, à Murviel de Montpellier et généralement tout ce qu’il possédait depuis la rivière de l’Hérault jusqu'à celle de la Mousson, et à partir du pont d’Aniane jusqu'à la Méditerranée, consistant en fiefs, hommes et femmes, châteaux, villes, masages, fortifications, maisons, hôtellerie, champs, devoirs, jardins, justices, seigneuries directes, dominations, baillies, etc. Guillem lui vendit le tout en fief, et il y ajouta le château de Paulhan qu’il tenait de la succession de Burgondion, héritier de Guy de Guerrejat depuis l’accord qu’il avait fait, en 1183, avec Adélaïs de Conas, veuve de Burgondion et mère de Burgondiose, décédée en bas-âge. Il lui donna aussi en fief les terres qui lui appartenaient au-delà de l’Hérault jusqu’aux limites du Fontès, et celles dont il jouissait au Pouget et à Vendémian. Il lui céda encore une hypothèque de 5 000 sols melg., sur les forts de la vallée de Cavaillon. Il se réserva toutefois de reprendre, quand bon lui semblerait, tous les châteaux érigés en fiefs, autres que ceux d’Aumelas, de Popian et Cournonsec. Raymond-Aton promit de secourir Guillem, en cas de guerre, et s’engagea à reconnaître, tant lui que ses successeurs, à perpétuité, les seigneurs de Montpellier, comme suzerains, à la condition que ces derniers ne détacheraient jamais lesdits fiefs de leur seigneurie. L’acte fût passé et l’hommage fut rendu, le jours des calendes de juillet de l’an 1187 (H. G. L. T., V, p. 534). Le seigneur d’Aumelas mourut bientôt après ; il ne laissait que deux filles, Tiburge et Sybille, qui furent placées sous la tutelle de l’aïeul Aymard de Murviel.





VI

Les Filles de Raymond-Aton


Guillem VIII, seigneur de Montpellier, convoita la main de Tiburge, fille aînée de Raymond-Aton pour le premier fils qu’il avait eu d’Agnès d’Aragon après avoir répudié Eudoxe de Constantinople, son épouse légitime. Son ambition était de placer sur la tête de ce fils la souveraineté de ce pays. Dans ce but, il eut une entrevue à Maguelone, en juin 1191, avec Aymard de Murviel, et un projet de mariage fut agréé de part et d’autre. Aymard offrit de remettre à sa pupille tous les biens de son père et de son aïeul paternel ; le château de Paulhan fut compris dans la dot. Il fut même convenu que, si Tiburge venait à mourir avant le mariage, Sybille serait mise en son lieu et place ; et réciproquement, quà défaut du fils aîné de Guillem, Tiburge pourrait réclamer le fils puîné du seigneur de Montpellier. Pour assurer le résultat de cette entrevue, on s’engagea des deux côtés à payer une forte somme, si la parole donnée était violée. Le mariage cependant ne se fit pas, Tiburge ayant donné pour motif de son refus d’épouser le fils de Guillem l’empêchement de parenté qui existait entr’eux. Au fond, elle du sentir, quand elle eut atteint l’âge nubile, une vive répugnance pour celui qui, au su de tous, était le fruit de l’adultère. Ainsi le seigneur de Montpellier fut forcé de renoncer à l’union qu’il avait tant désirée pour son fils ; mais il n’abandonna pas le dessein qu’il avait formé d’acquérir le domaine de Raymond-Aton.

Sur sa demande, et pour des motifs personnels aux filles de Raymond-Aton que nous ferons connaître, le château d’Aumelas avec toutes ses dépendances, et aussi le château de Paulhan, lui furent vendus au mois d’août 1197, en présence de Raymond de Montpellier, évêque d’Adge, et d’autres personnages ecclésiastiques et chevaliers réunis sur le bord de l’Hérault. Tiburge et sa sœur déclarèrent : « qu’étant parvenues à l’âge de la majorité, elles choisissaient, de l’avis de leurs parents et de leurs amis, entr’autres Etienne de Servian et Raymond, leur oncle. Pons et Frotard, fils de Pons, seigneur d’Olargues, pour leurs maris. Et comme, ajoutèrent-elles, nous souhaitons avoir de l’argent comptant en dot, nous vendons, tant pour cette raison que pour avoir de quoi payer les dettes et charges de l’hérédité de Raymond-Aton, notre père, et de Foy, notre mère, à vous Guillem de Montpellier, le château d’Aumelas, avec les autres domaines déjà spécifiés, lesquels sont situés dans les diocèses de Maguelone, d’Adge, de Béziers et de Lodève, pour la somme de 77 000 sols melg., dont nous vous marquerons l’emploi (H. G. L. T., V, p.17). » Elles réservèrent le château de Murviel (Montpellier), qui avait appartenu à leur aïeul maternel.





VII

Guillem VIII de Montpellier


Guillem VIII n’était pas seulement le suzerain du pays d’Aumelas ; il avait acquis tout le domaine utile qu’avaient possédé Raymond-Aton et ses filles. Il ne tarda pas à faire acte de seigneur et de propriétaire. Le 7 février 1197, c’est-à-dire quelques mois après son acquisition, il donna au monastère de Cassan (près Roujan), fondé en 1080, la métairie de Martinsac et les terrains qui s’étendaient depuis la rivière de Rouvièges jusqu’au Plan-Majou et à Leuzière, avec le droit de dépaissance pour les troupeaux sur le Causse et dans le terminal d’Aumelas, le tout en libre et franc alleu, c’est-à-dire en se réservant l’hommage seul. Il autorisa, en outre l’abbé à faire exploiter les terres incultes du Plan-Majou, moyennant la 6ème partie des fruits, comme droit d’agréer. Pons de l’Estang, de Stagno, probablement de Lestang du Pouget, s’engagea, en retour, à ne rien aliéner sans avoir pris conseil du seigneur Guillem, et à lui payer le droit de lods en cas de vente.

La 4ème partie du château du Pouget et le lieu de Tressan furent achetés par Guillem, au prix de 2 500 melg. Il les rendit aussitôt en fief à Raymond de Castries qu ils lui avaient vendus, en lui donnant l’assurance qu’ils ne seraient jamais soustraits à la suzeraineté de Montpellier. Raymond prit l’engagement de rendre l’hommage et le service militaire, quand il en serait requis, et celui de remettre son château, sauf les meubles et les armes, lorsqu’on le lui réclamerait ; il avait présenté l’autorisation de vendre, à lui donnée par son père, Raymond, et par sa mère, Ermessinde, pour assurer l’effet de la transaction.

On ne saurait contester à Guillem VIII de grandes qualités. Il gagna l’amour de ses peuples par la douceur de son gouvernement et par l’intérêt qu’il portait tant à la sûreté de sa ville de Montpellier, dont il fit rebâtir les murailles avec le concours de ses huit consuls, qu’à la prospérité de ses villages et châteaux. « Il paraissait même, dit le docteur Alain de Lisle, parmi les princes de l’époque, spécialement revêtu des armes de la Foi , dont il était le fils et le défenseur… ; l’élévation de son esprit égalait celle de sa naissance et de sa dignité (H. G. L. T., V, p.63). »

Malheureusement l’éclat de ses qualités est affaibli par ses procédés envers l’Impératrice, sa vraie femme, et envers Marie, sa fille légitime : il ne se contenta pas de chasser Eudoxe, pour la remplacer par une femme étrangère, afin disait-il d’atténuer ses torts, d’avoir des enfants mâles ; il déshérita sa fille par les moyens les plus iniques. Le pacte matrimonial conclu avec la première épouse portait que le premier enfant qui naîtrait d’elle devait hériter de Montpellier et de ses dépendances. Marie, l’unique fruit de l’union de Guillem avec Eudoxe, fut sacrifiée aux intérêts des fils illégitimes d’Agnès. Par les manœuvres indignes de son père, elle fut forcée de renoncer à tous ses droits et à reconnaître ceux qu’à son préjudice on attribuait aux enfants d’un lit criminel.

Guillem, pour se débarrasser d’elle et du remords que sa présence lui causait, la maria successivement à Barral, vicomte de Marseille, et à Bernard de Comminges. Mais il lui restait à faire légitimer ses fils adultérins. Il croyait y parvenir, grâce aux services qu’il avait rendus à l’Eglise en combattant les hérétiques. Il comptait néanmoins sans la fermeté du pape, qui répondit à sa requête par une fin de non recevoir, en prétextant la nécessité de plus amples informations. Pendant ce temps, Guillem fut surpris par la maladie ; il se hâta de disposer de tous ses biens en faveur de sa seconde famille. Il donna en particulier à Thomas, l’un de ses fils, le château de Paulhan avec les droits de viguerie qu’il avait rachetés, au mois de mai, des mains d’Adalaïs, nièce de Giraud, et mourut le 9 novembre 1202 (H. G. L. T., V, p.62).



 

VIII

Marie de Montpellier


Les droits de Marie, fille de Guillem VIII, à la seigneurie de Montpellier, étaient incontestables. Nul ne semblait plus intéressé que le sire de Comminges à les faire respecter ; mais il était dégoûté de sa femme et cherchait à rompre les liens de son mariage. Le roi d’Aragon, qui travaillait à acquérir des terres en France, comprit qu’il lui était possible d’avoir celle de Montpellier en obtenant la main de Marie, que le sieur de Comminges lui passerait bien volontiers. En effet, à peine lui eut-il manifesté ses intentions, que celui-ci s’empressa de faire déclarer son mariage nul pour cause de parenté, d’affinité et de lien existant entre lui et Béatrix de Bigorre, sa première femme, encore en vie. Marie redevenue libre, épousa le roi d’Aragon, « se constituant en dot toute hérédité de son père, 1204 ».

De concert avec son épouse, Pierre d’Aragon se mit à exercer ses droits de seigneur de Montpellier et d’Aumelas. Pierre de Ganges était alors maître de la moitié de Popian, tandis que l’autre moitié appartenait à la seigneurie de Montpellier. Pour avoir la protection des seigneurs de cette ville, présents et à venir, Pierre de Ganges leur fit don, en alleu de sa portion de Popian, et Pierre d’Aragon lui remit le tout en fief, avec la promesse qu’il ne serait séparé de sa seigneurie, ni par lui ni par ses successeurs.

Dans le contrat de mariage, Pierre d’Aragon et Marie de Montpellier avaient réglé que l’enfant auquel ils donneraient le jour, hériterait de tous les biens de la seigneurie française. Cet enfant tardait à paraître, et le roi, qui n’avait apporté dans son union avec la fille des Guillems qu’une passion d’intérêt, sentait de jour en jour une aversion plus marquée. Ils se séparèrent. Après de longs jours, il y eut entre eux un rapprochement, et un fils vint au monde en 1208. La paix et le bonheur ne régnèrent pas cependant longtemps au foyer conjugal. Marie n’eut pas seulement la douleur de se savoir abandonner de nouveau par son mari, elle vit son époux se ranger parmi ses ennemis et encourager leurs prétentions qui subsistaient toujours ; nous voulons parler des enfants d’Agnès. Pierre alla plus loin, il demanda qu’on annulât son mariage. La malheureuse femme, confiante dans la justice de sa cause, se rendit à Rome, auprès du pape, pour défendre ses intérêts et ceux de son fils, en faisant reconnaître son mariage comme valide et déclarer les enfants d’Agnès illégitimes. Elle obtint justice pleine et entière. Mais la sainte reine (on la désignait ainsi) ne put survivre aux émotions qu’elle avait éprouvées ; elle mourut à Rome et fut ensevelie à Saint-Pierre, où l’on voit encore son tombeau (avril 1213). Quelques mois après, Pierre tombait en héros sur le champ de bataille de Muret. Il avait pris les armes contre Simon de Montfort, chef de la croisade dirigée contre les Albigeois, poussé uniquement, dit-on par le dévouement qu’il avait pour ses deux sœurs, épouses des comtes de Toulouse, qui étaient alors attaqués pour crime d’hérésie et regardés comme fauteurs de désordre dans l’Etat.

L’enfant qui devait hériter de la seigneurie de Montpellier était entre les mains de Simon de Montfort. Pierre lui avait remis son fils Jacques, à titre d’otage. Jacques était la garantie d’un traité survenu précédemment entre le roi d’Aragon et le chef de la croisade.


* Histoire de la Vicomté d'Aumelas et la Baronnie du Pouget
-   Abbé A. Delouvrier. p. 25-40,Montpellier, imprimerie Grollier père 1896 In-8°, XI 350 p.

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